Les blondes de Sir Alfred Hitchcock

Publié le par Multiples talents

Cette année, c'est la brune Monica Bellucci qui sera la maîtresse des cérémonies du Festival de Cannes. La belle dame publie justement une biographie, aux Editions de l'Archipel, "Rencontres clandestines". Mais en prélude, l'occasion est belle d'évoquer les héroïnes hitchcockiennes des années 40 à 60, blondes mythiques.

Le cinéma hitchcockien d'après-guerre livra au monde un modèle de femme nouveau, mélange d'élégance et d'insolence. Des rôles turbulents et spirituels, où les actrices tenaient brillamment leur place, confrontées à des situations « viriles », alors que le cinéma « noir » leur assignait en général des rôles de potiches.

Sulfureuse et bourgeoise

Dans les fims de Hitchcock, ces femmes mystérieuses qui disputent la vedette à leur partenaire masculin, bougent, voyagent, repoussent une invasion de volatiles belliqueux, embrassent des carrières d'espionnes, vivent confortablement à la limite de la légalité. Elles revendiquent une liberté de ton et d'attitude, mais sans trop d'ostentation. Parfois, la fiction trouve un prolongement dans le réel : en 1957, après le tournage de « la main au collet», Grace Kelly épousait Son Altesse le Prince Rainier de Monaco.

Photo : Monica Bellucci, maîtresse des cérémonies du Festival de Cannes 2017 - En même temps, paraît son autobiographie : Rencontres clandestines.

Photo : Grace Kelly - Biographie par Stephan Bern

La Mort aux trousses

S'affranchir du carcan comporte des risques : dans « psychose », film tourné en noir et blanc, l'héroïne apprend de manière funeste à ses dépens, que l'argent malhonnêtement gagné ne fait pas le bonheur. Ou plutôt l'amateurisme, car il faut du métier pour faire un bon escroc.

Psychose fit la fortune de son réalisateur et des installateurs de douches sans rideau, mais le malheur de la doublure lumière de Janet Leigh, Myra Davis, qui fut sauvagement assassinée par un psychopathe en 1988.

Comme ses héros, Hitchcock défend ses convictions et prend des risques face à la censure : il met en scène un couple homosexuel : « La Corde », 1938. Il évoque impunément, portés par la force de ses intrigues, les problèmes et déboires liés à la sexualité : "Vertigo" ( 1958 ), - tiré d'un roman de Boileau-Narcejac, « D'entre les morts », polar sur la machination -, où est abordé le thème de l'impuissance. Hitchcock truffe ses suspenses de symboles, et le message passe comme une lettre à la poste.

Photo : la main au collet

Riviera calda ...

Avec un peu de fard, de gymnastique et de bonne volonté, « the girl next door », la voisine de palier, pourrait être une héroïne de Hitchcock. Et pour une part, la force du film hitchcockien réside dans le fait que des citoyens et citoyennes ordinaires peuvent se retrouver mêlés à des histoires extraordinaires. Les colonnes des journaux sont truffées de ce type de mésaventures !

Grisés par la musique et les décors, détournés du problème de fond par le "MacGuffin", prétexte futile et procédé cinématographique, nous nous laissons séduire. Mais personne ne s'en plaint.

On rêve alors de voyages au soleil, rien n'est plus chic que la Riviera ou Capri, la baie de San Francisco ou Hollywood. Les femmes portent des robes de couturiers, des sacs Hermès et des chaussures de Roger Vivier. On les devine poncées et parfumées. Elles fréquentent les salles de vente de Sotheby, descendent au Carlton ou au Negresco, habitent des villas somptueuses dans les Monts Apalaches, ou si elles ne font pas tout cela, elles en rêvent. Les héros, quant à eux, gardent un air attendrissant de bûcherons endimanchés, virils faire-valoir de ces belles de jour.

Tout le monde y trouve son compte, aussi bien les intellectuels férus de psychanalyse, que les amateurs de suspense et de jolies femmes.

Photo : la belle Eva-marie Saint

... et guerre froide

Si l'on peut voir les héroïnes hitchcockienne comme des entités destinées à érotiser l'intrigue du film, il n'en reste pas moins qu'elles marchent dans les pas des femmes courageuses de la résistance : dans le délicat contexte politique de l'après-guerre, Alicia, magnifiquement campée par Ingrid Bergman, infiltre aux côtés de Cary Grant, un groupe de nazis, dans les « Enchaînés ». Il est question d'uranium, ouvrant la brèche aux passionnants thrillers d'espionnage à la James Bond. Brésil, Amérique, ces femmes nous font voyager et trembler bien à l'abri. Dans « l'homme qui en savait trop », Doris Day, une mère de famille britannique en vacances au Maroc avec mari et enfant, va retrouver et sauver son fils, par la grâce d'une chanson qui deviendra un succès planétaire « Que sera, sera ... »

Si tout cela sent sa fiction dans le plus pur jus hollywoodien, il n'en reste pas moins que l'héroïne hitchcockienne demeure d'une redoutable efficacité, et le temps ne change rien à sa modernité.

Photo : Ingrid Bergman - Daily Mail

Eternel féminin

A l'heure où l'espionnage est devenu une morbide affaire virtuelle et bancaire, inéluctable comme une calamité planétaire, on se surprend à regretter sa subtile mise en scène colorée des années 50, ces décors inoubliables de montagnes rouges et de palaces internationaux, ces monsieur-tout-le-monde, mais qui paraissaient sentir le tabac anglais, ces blondes inimitables.

Photo 2  - L'obs.fr : Hitchcock et Kim Novak, sur le tournage de "Sueurs froides", d'après le roman de Boileau-Narcejac.

Incarnant la dualité, comme Kim Novak, dans « Vertigo » ; ou le combat face au prédateur : Tippi Hedren, ( mère de Mélanie Griffith ), dans les « Oiseaux »; ou encore le courage et la mise en danger dans « Fenêtre sur Cour » avec Grace Kelly ; peut-être aussi le désir d'une vie facile contredit par la réalité : Janet Leigh, ( mère de Jaimie Lee Curtis ), dans Psychose ; enfin, avoir raison contre tous les autres, déjouer un complot : comme Margaret Lockwood, dans "une femme disparaît", les stars préférées d'Alfred Hitchcock nous montrèrent et nous montrent encore un monde étrange, le nôtre, et nous ouvrent, - encore -, en douceur, une porte vers la liberté de penser et d'agir.

« Chez Hitchcock, ce sont toujours les femmes qui sauvent » Noël Simsolo, Hitchcock, cinéma d'aujourd'hui, 1969.

Laissons la conclusion au Maître : «Une femme de mystère est quelqu'un qui a une certaine maturité et dont les actes parlent plus fort que les mots.»

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