Feuille d'Automne

Publié le 16 octobre 2018 par renee-nere

L'automne est la saison où la nature s'endort. Pourtant, c'est l'époque où les libraires se barricadent derrière des pavés, et où les pieds chaussés de neuf arpentent le bitume.

Voici les mois en "Brrrre...", saison propice à la dégustation des huîtres. A ce propos, je note, dans le blog du Sommelier-Consultant Emmanuel Delmas, qu'il n'y a pas que les vins blancs secs pour ce faire, mais que le fin du fin consisterait à servir un Xérès dont le cépage de prédilection est le Palomino. Allez voir par vous-même, vous ne le regretterez pas.

Laine et Verlaine

C'est en septembre, chantait Bécaud, que "les oliviers baissent les bras, et que les raisins rougissent du nez". C'est ordinairement en octobre que l'on fait la révolution, et en novembre,que nos propres nez rougissent à leur tour, et que les pharmaciens installent dans leurs vitrines la silhouette en carton du type d'Oscillococcinum,- vous savez les petites granules -, avec son écharpe rouge qui vole, quand il s'en va au vent mauvais qui l'emporte, pareil à la feuille morte, tout suffocant et blême.
C'est ainsi que les écharpes rouges dans les vitrines des pharmaciens voient passer celles, non moins rouges, de tous les Aristide Bruant refusant de battre en retraite. Ce n'est pas qu'ils cherchent fortune, ces transhumants du labeur, mais ils constatent qu'en 2018 comme en 1945,- lorsque la chanson de Prévert et Kosma fut créée pour le générique du film de Marcel carné, les Portes de la nuit -, seules les feuilles mortes se ramassent à la pelle.

Mangez-moi, mangez-moi, mangez-moi !

Dans la vitrine du pharmacien, à côté du type d'Oscillococcinum, il y a des paniers de champignons. La corporation se fait un devoir de nous montrer les bienfaits,- mais surtout les dangers - de cet innocent "petit organisme biologique que l'on trouve dans les forêts", selon les dictionnaires. Les champignons ont toujours côtoyé en littérature, les fées, les gnomes, les trolls et autres personnages doués de pouvoirs surnaturels, et qui ne se montrent qu'au commun des mortels qui en est digne. Les champignons magiques se méritent : ils se cachent sous les feuilles. A nous de les découvrir. Il y a des signes pour les trouver ; leurs noms, déjà : tout un programme, peu commun : clytocybes, pézizes, gyromitres, puants, auriculaire oreille de Judas, on vous aura prévenus ! Mais pour les connaisseurs, les initiés, les champignons savent dispenser leurs bienfaits, leur saveur et leur parfum inimitables.

Sous les feuilles, les pavés

Sous les feuilles d'or, les champignons. En attendant que tout ait sauté, laissons-les s'aimer. C'est une chanson qui nous ressemble, toi tu m'aimais et je t'aimais. Les feuilles mortes se ramassent à la pelle ... En cette rentrée littéraire, où les feuilles imprimées le disputent au pavés qui finiront peut-être au pilon, l'Automne de Maurice Carême, "l'automne au coin du bois joue de l'harmonica..." et les Feuilles d'Automne de Victor Hugo, "J'aime les soirs sereins et beaux, j'aime les soirs, soit qu'ils dorent le front des antiques manoirs ensevelis dans les feuillages...", ou Lamartine, "Salut ! bois couronnés d'un reste de verdure !Feuillages jaunissants sur les gazons épars ! Salut, derniers beaux jours!",nous rappellent que les voix d'or sont éternelles. Comme les feuilles chuintantes de l'automne, elles s'engouffrent dans les cours, marquent un temps ou une page comme une note ou un signet, courent les rues, nous montrent le chemin. Et la main dans la main, l'automne de la vie et le printemps des magiciens refont le monde et nos lendemains.
Joli automne à tous !